Faik Konitza

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L’atelier Europe

Ce qui mine toute intention, tout projet d’éducation, de sensibilisation à la citoyenneté commence par les stratégies égoïstes, les jugements maladroits, les projets par trop personnels et les rancunes tenaces. Terreau idéal duquel naissent des hommes et des femmes dont l’approche, la vision de la réalité commune sera invariablement tronquée, pour n’aboutir – en dépit des discours savants et des louables intentions, qu’au chaos, à la confusion, à l’immobilisme si ce n’est à l’opposition stérile.

D’où qu’elle vienne, toute proposition politique, sociale, doit s’établir en priorité au sein de la négociation. Or, négocier sous-entend dialogue, écoute réelle, temps de réflexion et enfin partialité. Se vouer à un échange, à une écoute totale doit se comprendre comme le début de la fin d’un conflit, pour autant que l’on accepte peu ou prou le rapprochement, et pour autant qu’il soit compatible avec les options de toutes les parties en confrontation. D’où la nécessité impérieuse de plancher sur un projet réellement commun.

Mais qui fonctionne d’une manière aussi pragmatique ? Qui peut se targuer d’effectuer tout ce qui est en son pouvoir pour parvenir à entretenir des relations apaisantes et constructives sans passer par l’ironie, la suspicion, la menace ou l’hypocrisie ?

Parallèlement à toutes les ambitions politiques ou religieuses –et quelles que soient leur légitimité, et connaissant leurs embranchement multiples, il n’existe qu’une seule et unique humanité : celle qui nous concerne et qui découle – qu’elle le veuille ou non, d’une origine commune.

Au sein de la masse humaine, nombreux sont ceux qui souhaitent changer le monde, le couler dans le moule de leurs aspirations. Un quelconque changement ne peut toutefois commencer que sur le pas de notre porte, au niveau le plus bas, le plus humble, le plus discret et anodin. Le plus fragile aussi. Méfions-nous de nos certitudes et laissons toujours la porte ouverte au doute. Le doute permet toujours d’évoluer, alors que  les certitudes, trop souvent, enferment, cloisonnent ceux qui s’y vouent obstinément, parfois aveuglément. Le doute ne signe aucunement l’incompétence, la lâcheté, l’indécision, le mépris ou la crainte. Il est surtout vecteur de patience, de réflexion.

Dans le tumulte, le tohu-bohu des palabres, les marées d’informations, rien n’est plus difficile que de se faire une idée claire, de se faire entendre, d’être au fait de l’essentiel et à même d’agir efficacement. S’édifie alors en vertu de base la capacité à savoir mettre un frein à nos prétentions, à ce qui passe pour nos valeurs, car rien n’est plus superfétatoire que les convictions personnelles qui ne s’accordent pas avec l’évolution d’une société moderne duquel il est impossible d’échapper totalement.

Ceci dit, on nous serinera volontiers qu’en vertu du « changement d’époque », les mentalités ne sont plus celles d’antan. C’est oublier que, quelle que soit l’époque considérée, les besoins, les droits et les devoirs de chacun demeurent les mêmes. Ce qui change, outre la technologie, c’est surtout le taux de démographie, la manière d’agir, de se comporter, de se laisser influencer, d’exiger tant et plus et de respecter les acquis et les énergies disponibles pour l’avenir.

Les forteresses les plus massives les plus « éternelles » ; les civilisations les plus puissantes se sont écroulées, à des époques différentes, qui toutes, « avaient changé ». Les unes après les autres, dotées de leurs tyrans, de leurs dictateurs, et autres despotes étaient assurées de leur omnipotence, de leur pérennité. Sur leurs innombrables ruines ont toujours repoussés les jets d’une culture évolutive, appuyée par l’essor d’une technologie impressionnante, mais toujours mise en demeure d’assurer des devoirs, des droits, des besoins intangibles pour le commun des mortels. L’essentiel, finalement de toute cette agitation, n’est-il pas dans le sens que nous prêtons à nos agissements et à la pérennité de notre œuvre ?

Dans ce qui fonde la culture de chacun d’entre-nous, entre une part du patrimoine commun à l’humanité. S’en souvenir régulièrement devrait suffire à aider tous les peuples à trouver en eux la part de bon sens, propre à ouvrir une brèche dans les murs, dans les frontières artificielles érigées à l’encontre de toute logique, de toute sincère solidarité. Ou alors il faut défendre le principe qui veut que l’incompatibilité entre les peuples et leurs cultures est telle que jamais une harmonie bilatérale ne sera atteinte. Et puis le dire haut et fort. Et agir en conséquence, soit probablement dans le pire et fonctionner sur un mode de conflit déclaré, opposant des blocs, déterminés à se vouer une haine croissante jusqu’à la consommation des siècles.

Une autre option, misant sur la raison – et non forcément sur les intérêts économiques (qui ne représentent rien de magistralement salvateur), consiste à admettre que la société n’est jamais qu’un ensemble de citoyens adhérant aux principes qui fondent un lien social démocratique ; électeurs d’une Europe aux couleurs foncièrement démocratique, dans lesquelles on remarquera que citoyenneté et démocratie sont interdépendantes et nécessairement établies sur une laïcité de fait.

Pour que le dialogue interculturel ait du sens et prenne effet, les devoirs de chaque citoyen doivent être assumés aux prorata des exigences qu’il peut développer vis-à-vis de ses droits. Ce qui n’est jamais qu’une assise élémentaire, une étape initiale de ce qui peut – devrait, évoluer jusqu’à devenir un sentiment d’appartenance, sans pour autant qu’il faille sous-entendre assimilation.

Au stade où en est arrivé l’Europe, les citoyens d’une même nation ou d’un groupe de nations qui adhèrent aux principes qui fondent le lien social dans la démocratie sont citoyens européens. Ce qui implique que démocratie et citoyenneté sont interdépendants au sein de la nation. L’Europe doit faire en sorte de convaincre tous ses membres que sa constitution, son élargissement apporte la confirmation pour chaque état, chaque communauté, la conviction que, même imparfaite, même en difficulté, il s’agit d’une entreprise fondatrice de stabilité, de paix. Rien qu’à ce titre – et malgré toutes les critiques dont elle peut faire l’objet, elle mérite néanmoins toute notre attention, nos efforts et notre respect.

Jean-Marie Luffin, Vice-Président

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