Faik Konitza

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Chaussée de Waterloo 4, 1060 Saint-Gilles

Numéro d'entreprise : BE0898.709.156

Les textes signés expriment un point de vue personnel et n'engagent pas l'asbl Konitza

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Avec le soutien de la COCOF, de la commune de Saint-Gilles et du CPAS de Saint-Gilles

               

                                                                                 

L’Association socioculturelle Konitza: qu’est-ce que c’est ?

Konitza est une association socioculturelle créée en 2008 par des personnes d’origines et horizons divers.

Même si la plupart des membres fondateurs est d'origine albanaise, l’association a toujours eu à cœur de promouvoir la diversité en proposant des activités ouvertes à tout le monde. Néanmoins, l'association accorde une attention particulière à la valorisation de la culture albanaise. Pour le tissu associatif local, Konitza est une fenêtre ouverte pour aller à la rencontre de la communauté albanaise présente à Bruxelles et ailleurs.

Konitza est aujourd'hui un pont culturel indéniable reliant Bruxelles, la capitale de la Belgique et de l’Europe, avec l'Albanie. Depuis ses débuts, l’association a organisé plus de soixante activités et événements, tels que des expositions artistiques, des colloques, des séminaires, la promotion d'œuvres littéraires, des ateliers de théâtre pour enfants, ainsi que la création de pièces de théâtre mettant en scène des personnes défavorisées ou encore des artistes sans papiers, sans oublier des événements citoyens et conviviaux.

Konitza contribue également à l'intégration des populations d’origine étrangère dont celle albanaise à Bruxelles. Pour ce faire, l'association a mis en place une permanence sociale et juridique pour les primo-arrivants. Nos actions incluent également l'information, l'orientation et le soutien de ces populations dans leur nouvelle vie, souvent complexe et semé d’embûches. Des tables de conversation sociales, thématiques, citoyennes, des ateliers en français sont quelques exemples des outils développés dans le cadre du volet social de l'ASBL. Konitza est désormais un acteur clé de la cohésion sociale de notre commune, intégrée depuis plusieurs années à la Concertation de la Cohésion Sociale communale et reconnue récemment même au niveau régional. Nous participons à l'organisation d'événements citoyens et nous encourageons la participation des habitants à la dynamique sociale, culturelle et citoyenne de Saint-Gilles.

Pour la mise en place et la réalisation de tous ces projets depuis 2008 Konitza a su miser sur l'énergie positive et des compétences diverses de nos bénévoles infatigables qui ont rendu cela possible et nous leur sommes infiniment reconnaissants.

Aux yeux de ses membres, Konitza est un pont culturel, un lieu d’ouverture, de partage et d’expérience, une fenêtre ouverte sur la communauté albanaise, une équipe formidable de membres, de bénévoles et plus récemment du personnel engagé.

Finalement, Konitza représente un lien très fort pour celles et ceux qui choisissent de nous visiter, de se joindre à nous ou de solliciter notre aide. C'est un lieu de promotion de la culture, de la diversité, de la mixité et de la responsabilité sociale. Ainsi, Konitza se démarque comme un pétale exquis, la plus belle fleur offerte par la communauté albanaise pour embellir le bouquet Saint-Gillois, où fleurissent plus de 140 nationalités.

 

 

 

 

 

 

Activités

But et objet social de l’association

L’association socioculturelle Konitza a pour but de promouvoir, défendre les valeurs d’une société interculturelle, démocratique et solidaire.

Par ses activités, l’association tend à renforcer l’égalité des droits, l’égalité des sexes, la liberté d’expression, l’émancipation de la femme, en ce compris l’ouverture aux valeurs des communautés minoritaires. En plus, l’association aura à cœur de promouvoir la culture albanaise, avec un souci de réciprocité, de polyvalence et d’interdisciplinarités entre toutes les communautés représentées dans notre société.

Afin de réaliser ces objectifs, l’association mettra tout en œuvre pour développer par tous les moyens légaux, médiatiques et techniques, trois secteurs d’activités, sans que ceux-ci ne soient limitatifs :

  • le secteur social par l’organisation, la réalisation par tout support technique et médiatique d’un réseau d’aide administrative et matérielle, d’orientation et de soutien, destiné à tout public, sans discrimination d’origine, de langue, de conviction religieuse ou philosophique, de sexe ou d’âge.
  • le secteur culturel par l’organisation, la réalisation et la promotion de tout événement tel que concerts, expositions, rencontres festives, littéraires, conférences, stages, séminaires et animations musicales, théâtrales, poétiques, chorégraphiques et gastronomiques, y compris la valorisation de la culture albanaise et la diffusion d’un organe de liaison et d’informations générales relatives à ces activités et projets futurs.
  • le secteur citoyen par l’organisation, la réalisation de diverses activités telles que les publications, conférences, débats, émissions radiophoniques ou télévisuelles, formations, stages et congrès.

 

 

Partenaires

Avec le soutien de la Direction générale de la Culture de la Communauté française de Belgique, de la COCOF, de la Commune de Saint-Gilles et du CPAS de Saint-Gilles.

Devenir membre

Toute personne physique qui adhère au but et l'objet social, ainsi qu'aux valeurs de l'association peut devenir membre effectif en adressant une demande écrite à l’organe d'administration. Ce dernier présente les nouveaux membres pour approbation à l’assemblée générale suivante, soit une fois par an.

L'admission des membres est décidée par l'assemblée générale à la majorité simple des voix des membres présents ou représentés. La décision de l'assemblée générale est sans appel et ne doit pas être motivée. Elle est portée à la connaissance du candidat par courrier postal ou électronique.

Ensuite, le trésorier communiquera au nouveau membre admis le montant de la cotisation annuelle à verser sur le compte de l’association : BE33 0015 5962 8846

Adresse mail pour envoyer la demande d’adhésion : This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.

 

Faïk bég Konitza, par Guillaume Apollinaire


Guillaume ApollinaireDes hommes que j’ai connus et dont je me souviens avec le plus de plaisir, Faik bég Konitza est un des plus singuliers. Il naquit en Albanie, voici une quarantaine d’années, d’une famille restée fidèle au culte catholique.

Ce Chkipe fut élevé en France et, vers l’âge de vingt ans, il était si pieux qu’il voulut entrer comme novice à la Grande-Chartreuse. Il n’en fit rien cependant, et peu à peu sa religion se changea non point en indifférence, mais en une sorte d’anticléricalisme décidé qui rappellerait celui de Mallarmé. Il continua ses études, mais comme il possédait à un haut degré l’amour de sa patrie albanaise, retourné en Turquie il y conspira et, d’après ses dires, y fut condamné deux fois à mort par contumace. Il revint en cette France dont il connaissait admirablement la langue et la littérature et se lia avec tous ceux qui s’occupaient de l’Albanie. Cependant, la liberté dont on jouit ici ne lui paraissait point suffisante, il alla s’établir à Bruxelles, rue d’Albanie, où il s’occupait de politique et encore plus de littérature, d’histoire, de philologie. Il donne ainsi beaucoup de vie au mouvement albanisant ; en purifiant la langue albanaise des termes impropres ou parasites qui s’y étaient glissés, il fit, en peu d’années, d’un patois de bouges à matelots, une langue belle, riche et souple.

Cependant, la liberté comme on l’entend à Bruxelles ne lui plaisait pas plus que celle que l’on a à Paris. Une fois, même, il eut affaire, dans la rue, à un agent de police. On l’interrogea : « Votre nationalité ? – Je suis d’Albanie. – Ou habitez-vous ? – Rue d’Albanie. – Quelle est votre profession ? – Je dirige l’Albania. – Pour une fois, sais-tu, je crois que vous moquez de moi », dit l’agent, et le patriote albanais dut passer la nuit au poste.

Dégoûté de Bruxelles, Faik bég Konitza partit pour Londres. Il abandonna sa belle imprimerie faite uniquement de caractère plantiniens et où il avait composé et imprimé lui-même de petits ouvrages, aujourd’hui rarissimes. Cela n’avait pas duré longtemps, parce que l’unique ouvrier qu’il employait parvint à mettre tous les caractères en pâte, les rendant inutilisables.

Konica

C’est à Londres que je connus Faik bég Konitza, en 1903. Il habitait dans Oakley Crescent, City Road, E.C. Je ne l’avais jamais vu. Il m’avait invité à venir passer quelques jours chez lui et devait venir me prendre à la gare. Il fallait un signe auquel je le reconnusse. Et il était entendu qu’il porterait une orchidée à la boutonnière. Mon train arriva avec un long retard, et, sur le quai de Victoria-Station, je vis que tous les messieurs qui se trouvaient là avaient une orchidée à la boutonnière. Comment reconnaître mon Albanais ? Je pris un cab et arrivai chez lui au moment où il en sortait pour aller acheter l’orchidée.

Mon séjour à Londres fut charmant. Faik bég Konitza avait une passion pour la clarinette, le hautbois, le cor anglais. Il avait dans son salon une collection ancienne de ces instruments de bois. Le matin, en attendant le déjeuner, toujours en retard, mon hôte me jouait de vieux airs nasillards, et se tenait assis, les yeux baissés, l’air sérieux, devant son pupitre. On déjeunait à l’albanaise, c’est-à-dire interminablement. Un jour sur deux, il y avait pour entremets de la crème renversée, que je ne goûte point. Il s’en régalait. Et le lendemain, il y avait du blanc-manger, dont je suis friand, et qu’il ne mangeait pas. Les déjeuners duraient si longtemps que je ne pus visiter aucun musée de Londres, car nous arrivons toujours au moment où l’on fermait les portes.

Cependant, nous faisions de longues promenades et j’apprenais à connaître quel esprit fin et cultivé était Faik bég Konitza.

Comme presque tous les Albanais de bonne race, il était un peu hypocondre et j’étais d’autant plus touché de l’amitié qu’il me témoignait que je ne l’en voyais point prodigue. Son hypocondrie se manifestait de la façon la plus bizarre. S’il lui arrivait d’entrer dans un magasin pour y acheter quelque chose, il en sortait avec la peur que le commerçant ne courût après lui, prétendant qu’il l’avait volé : « Et en effet, ajoutait-il, comment prouverais-je que je ne l’ai pas volé ? »

Quand je le vis à Londres, Faik bég Konitza venait de réformer sa bibliothèque ; il avait vendu tous ses livres pour acheter de ces éditions anglaises où le texte est imprimé en si petits caractères qu’il faut une loupe pour les lire. Il avait formé aussi une nouvelle bibliothèque, considérable, qui tenait tout entière dans une petite armoire. Et il n’avait gardé de ses anciens livres que le Dictionnaire de Bayle, qu’il avait choisi pour maître, et le dictionnaire de Darmesteter. Sa plus grande admiration littéraire était M. Remy de Gourmont et il me témoigna beaucoup de reconnaissance lorsque, plus tard, ayant trouvé un de ses portraits, je le lui envoyai.

Faik bég Konitza, comme l’autre Beyle, a toujours eu la manie des pseudonymes. Il en change fort souvent. À l’époque où je le connus, il se faisait appeler Thrank-Spirobeg, d’après le nom du héros d’un roman historique de Léon Cahun, qui est une manière de chef-d’œuvre et le meilleur ouvrage inspiré par l’histoire civile des Albanais. Mais voyant que les typographes orthographiaient toujours son pseudonyme : Thrank-Spiroberg, Faik bég Konitza se décida bientôt à signer aussi ainsi. Cela ne dura que deux ou trois ans ; il prit un autre pseudonyme duquel il signa un ouvrage très nourri, très bien écrit, qui est intitulé : Essais sur les langues artificielles, par Pyrrhys Bardyli.

Je passai encore une fois quelque temps à Londres chez Faik bég Konitza, qui s’était marié, et qui habitait à Chingford. C’était printemps, nous nous promenions dans la campagne et passions des heures à regarder jouer au golf… Un peu avant mon arrivée, Faik bég Konitza avait fait acheter des poules, pour avoir des œufs frais ; mais quand on les eut, impossible d’en manger. En effet, comment manger les œufs de poules que l’on connaît, que l’on nourrit soi-même ? Les poules ne tardèrent pas à manger elles-mêmes leurs œufs et ce fait épouvanta Faik bég Konitza au point qu’il regardait ces pauvres volatiles avec terreur, n’osant plus les laisser sortir de leur petit poulailler où elles s’entretuèrent pour se dévorer, sauf une qui, étant restée victorieuse, vécut quelque temps encore dans sa solitude. C’est là que je la vis. Elle était devenue féroce et folle; comme elle noire et avait maigri, elle ressembla bientôt à un corbeau, et avant mon départ, ayant perdu ses plumes, elle s’était métamorphosée en une sorte de rat.

Faik bég Konitza publiait l’Albania avec beaucoup de soins. Sur la couverture il y avait, comme marque, les armes du prochain royaume d’Albanie dessinées par un sculpteur français de talent, dont j’ai oublié le nom et qui mourut voici quelques années, dans les environs de New York, d’une chute en ballon. Cependant, l’attention que Faik bég Konitza mettait à rédiger ses articles et sa lenteur étaient cause que sa revue paraissait toujours avec beaucoup de retard. En 1904, il ne parut que les numéros de 1902, et, en 1907, paraissait régulièrement les numéros de 1904. La revue française de L’Occident pourrait seule rivaliser sur ce point avec l’Albania.

Lorsqu’arriva la révolution turque, Faik bég Konitza pensa qu’il rentrerait dans sa patrie. Mais les événements ne se produisirent point selon son gré. Et il partit brusquement pour l’Amérique au moment où l’on fomentait la révolte albanaise. Il m’écrivit une dernière fois avant de partir, puis ne me donna plus de ses nouvelles. Je savais qu’il y a en Amérique une colonie albanaise, importante et riche. Je pensais qu’elle avait accueilli avec faveur le restaurateur de la langue albanaise. Je regrettais qu’il ne me tint pas au courant de ses aventures, lorsque, l’an dernier, je trouvai, par hasard, chez un libraire, le premier numéro d’une publication intitulée Trumbéta è Krujes, c’est- à-dire La Trompette de Croya, qui fut la capitale de Scanderbeg. J’y vis que Faik bég Konitza habitait à Saint Louis, dans le Missouri, et qu’il avait renoncé à écrire en français, qu’il connaissait fort bien, pour se servir de l’anglais, qu’il parle fort mal.

J’écrivis à Saint Louis, mais ne reçus point de réponse. Quand, ces jours derniers, une lettre venue de Chicago me rappela mon Albanais. Elle était expédiée par un certain Benjamin DeCasseres (en un seul mot avec deux majuscules). Mais l’écriture de l’enveloppe ne me laissa aucun doute, c’était bien l’écriture de Faik bég Konitza, petite, bien formée, avec les a semblables à ces de l’imprimerie et qui furent copies sur l’écriture de Pétrarque. J’ouvris la lettre. Elle contenait une sorte de prospectus imprimé de deux pages, en anglais, intitulé Prélude, et dédié « à tous ceux qu’a repoussé mon égoïsme militant ». C’est une sorte de poème en prose, plein de phrases philosophiques et d’images bibliques où sont mentionnés Beethoven, Goethe, etc. Cet adieu singulier lancé par Faik bég Konitza à ceux qu’il a connus et avec lesquels il a rompu toutes relations d’amitié ne me laisse plus aucun espoir de le revoir.

Il a renoncé à l’Europe, il ne publie plus La Trompette de Croya, l’Albanie même ne fait peut-être plus partie de ses préoccupations, et c’est parmi les gens d’affaires du Michigan que ce descendant des compagnons de Georges Castriot promène maintenant sa mélancolie d’Européen très cultivé, de poète désabusé, son hypocondrie d’exilé et, sans aucun doute, les quatre grands volumes du Dictionnaire de Bayle.

Chronique parue dans La Vie anecdotique du 1er mai 1912.

Un portrait de Faik Konitza par Ismail Kadaré

Faik KonitzaL’un des Albanais les plus cultivés de tous les temps, sacré par Fishta arbitre des élégances des lettres albanaises, véritable Cassandre d’après Noli, hypocondriaque subtil d’après Apollinaire, lion de la littérature et de la diplomatie d’après le roi Zog en personne qui lui adressa ce compliment en face, Faik Konitza était réellement un personnage hors du commun.

Il n’est que d’évoquer la richesse et la variété de sa formation culturelle, ses allées et venues d’une université à l’autre, pour éclairer quelque peu son caractère et les contradictions qui devaient accompagner, tout au long de sa vie, ce lunatique unique en son genre.

Comme beaucoup de beys musulmans, il avait entamé son instruction arabe auprès d’instituteurs privés, enseignement qu’il abandonna pour entrer au collège catholique des jésuites à Shkodra d’où, comme pour compléter sa collection de croyances, il passa à l’école orthodoxe grecque, puis au Lycée impérial de Constantinople ? De là, désabusé, il se rendit en France pour se faire pasteur protestant, mais, plutôt que de se soumettre à la vie sacerdotale, il finit par opter pour l’athéisme, et poursuivit ses études supérieures à Paris, puis, successivement, aux universités de Cambridge en Angleterre, d’Uppsala en Suède et de Harvard.

Extrait de « L’irruption de Migjeni dans la littérature albanaise. »

Qui était Faik Konica?

Faik Konica, écrivain majeur et essayiste, est considéré comme l’un des fondateurs de l’identité nationale albanaise. Il était fondateur  et  directeur de la revue franco-albanaise Albania publiée a Bruxelles de 1897 à 1902.

Il est né en 1875 dans la ville de l’Empire ottoman dont il porte le nom (rattachée à la Grèce après les guerres balkaniques de 1912-1913). Il est issu d’une famille patricienne et compte parmi ses ancêtres Ali Pacha de Tepelena. Ce dernier, Vizir de Janina, célèbre à la fois pour son courage et sa cruauté, fut un des héros du poète romantique anglais George Gordon Byron dont il reçut la visite en 1809 dans son palais au cours d’un voyage vers la Grèce.

Par ailleurs, la mère du Pacha de Tepelena  était une descendante de Skanderbeg (1403-1468), Héros national des Albanais et défenseur de la civilisation chrétienne contre l’invasion ottomane. Une statue lui rend hommage depuis 1968 au square Prévost Delaunay, en lisière du  Parc  Josaphat, dans la commune de Schaerbeek.

A neuf ans, Konica quitte sa ville natale pour étudier au collège des Jésuites à Shkodër de 1884 à 1885. Cet enseignement lui apporte une révélation. En effet, comme le notent ses biographes, la découverte de l’Occident est pour cet Albanais, celle de la vraie patrie. En 1902, Konica fera publier à Bruxelles l’Histoire de l’Albanie (Historinë e Shqipnisë) de son ex-camarade du collège des Jésuites de Shkodra, Ndoc Nikaj (1864-1951), fondateur du roman en langue albanaise et l’un des prosateurs les plus populaires avant la Seconde Guerre mondiale.

De sa région natale vers l’ Europe et la Belgique.

Après s’être inscrit dans une école grecque (1885-1886), Konica poursuit ses études au Lycée français de Galata à Istamboul. Il apprend précocement le latin, le grec, l’arabe et surtout le français. Dès la troisième année, il est capable de rédiger des poèmes en français.

En 1892, il vient étudier en France : d’abord au collège de Lisieux, aujourd’hui Lycée Gambier, puis à celui de Carcassonne. En 1894, Konica présente les examens de Français et de Littérature à l’Université de Montpellier. Cette formation française continue à l’Université de Dijon où il obtient le diplôme de bachelier en 1895. Pendant l’année 1896, Konica suit à Paris les cours de sanscrit et d’hindou au Collège de France. On lui offre la possibilité d’enseigner l’albanais à l’Université de Paris mais celui-ci refuse par souci d’indépendance. Quelques années plus tard, sitôt fixé aux Etats-Unis, il obtient aussi le diplôme de Master of Arts à l’Université d’Harvard.

Le premier article d’esprit patriotique du jeune Konica est publié le 26 décembre 1895 dans La Libre Parole de Paris, sous le pseudonyme de Tepeleni. Intitulé “L’Albanie et les Turcs”, il dénonce la duplicité de la politique ottomane et condamne les moyens utilisés pour briser les aspirations à la liberté. Conscient de l’indifférence des nations occidentales, Konica met à profit son séjour en France pour tirer les Etats européens de leur inertie et réfuter les campagnes de propagande du Sultan. A cette époque, son militantisme s’est déjà étendu à la politique : il publie sous divers pseudonymes des pamphlets contre l’oppression ottomane et la complaisance des puissances européennes à l’égard de cet Empire finissant.

Dès ce moment, il commence à penser au projet d’une revue franco-albanaise. Entre temps, un ami artiste lui indique qu’à Bruxelles tout coûte moins cher qu’à Paris, comme l’impression de la presse écrite.

Konica à Bruxelles.

Konica arrive à Bruxelles à la fin de l’année 1896 et s’installe dans une maison de la rue d’Albanie à Saint-Gilles. Il commence aussitôt à travailler à l’élaboration et à la publication de sa revue. Il la nomme Albania, tout simplement. Le premier numéro sort  le 25 mars de l’année 1897. Des amis albanais à Istanbul soutiennent la revue financièrement, ce qui permettra à Konica de la diriger depuis Bruxelles et, plus tard, Londres.

Quel était le programme de la revue Albania ?

Conservation et développement de l’individualité nationale. Culture de la langue, en tant qu’ expression de cette individualité. Amélioration des conditions économiques qui permettent à l’individualité nationale de se maintenir entière, forte et libre. Littérature, folklore, linguistique, histoire et nouvelles.

De fait, aussi bien l’ambition du programme que la durée d’existence (12 ans), démontre qu’Albania a vraiment été une revue encyclopédique. A l’époque, Guillaume Apollinaire  l’a d’ailleurs comparée à la revue française “L’Occident” et l’a considérée comme le plus grand monument de la culture albanaise. Aujourd’hui, les chercheurs en Albanie et dans le monde s’accordent à dire que la revue Albania a été la plus prestigieuse des publications de la Renaissance nationale albanaise.

Son contenu va des questions nationales et politiques aux problèmes d’une langue albanaise autonome et unifiée, dotée d’un alphabet fixe, en passant par les débats, les essais, la critique littéraire, les traductions, les textes poétiques, etc. Konica rédige en albanais et français la plupart des textes qui illustrent la diversité de ses talents, la qualité de son expression et son érudition. Il s’occupe de politique et, plus encore,  de littérature, d’histoire, de philologie. Il a ainsi apporté un souffle neuf au mouvement albanisant. En purifiant la langue albanaise des termes impropres ou parasites, Konica transforma, en peu d’années, un patois mal dégrossi en une langue belle, riche et souple.

La revue publie aussi, en version albanaise et parfois française, des textes littéraires d’écrivains albanais renommés et de la tradition nationale (chansons de geste, contes, poèmes, proverbes).

Les collaborateurs et le contenu de la revue “Albania”.

La collection d’Albania est réunie en 12 volumes qui font 2500 pages. Ses collaborateurs étaient des écrivains et intellectuels réputés de son temps en Europe comme Guillaume Apollinaire, Emile Legrand, Jan Urban Jarnik, Holger Pedersen, Albert Thumb, Théodore Ippen, etc.

Albania a ouvert ses pages aux œuvres de Homère, Aristote, Hérodote, Virgile, Shakespeare, Cervantès, Walter Scott, La Fontaine, Montaigne, Ronsard, Goethe, Hugo, Schopenhauer, etc. La revue était diffusée en Albanie et dans les diasporas albanaises : à Bruxelles, Londres, Paris, Vienne, Trieste, Venise, Athènes, Le Caire, Istanbul, etc.

Konica, l’ homme qui a mis en danger l’Empire ottoman.

Faik Konica publie sa revue avec grand soin. Les articles sont souvent anonymes ou signés par lui et ses collaborateurs sous des pseudonymes variés. Il se doit par ailleurs de ne pas compromettre sa famille restée à Istanbul…Condamné à mort (par contumace) par la Sublime Porte, il n’en devient que plus populaire auprès de ses amis européens. Une fois dénoncé par les autorités turques, Konitza est victime de tracasseries policières à Bruxelles. Dans une note du 13 août 1903, l’Ambassade ottomane avertit le ministre des Affaires étrangères belge de la condamnation subie par Konitza. Dès ce moment, celui-ci songe à quitter la Belgique et s’installer à Londres où il séjourne six ans.

Après l’interruption de la revue Albania, en 1909, il partira pour les Etats-Unis, invité par ses compatriotes à animer les organisations et les journaux albanais soutenant l’indépendance et la création du nouvel Etat d’Albanie.

De 1909 à 1912, il dirige ainsi les journaux Dielli (le Soleil), Trumpeta e Krujes (La Trompette de Kruje) ainsi que la Fédération Vatra (l’Union des associations de la diaspora albanaise des Etats-Unis). Konica participe à la Conférence des Ambassadeurs de Londres (1913) et au Congrès de Trieste (1913) pour prévenir le démembrement de l’Albanie voulu par les Etats balkaniques voisins. Pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), il s’engage auprès des chancelleries étrangères défendant l’intégrité de son pays, devenu champ de bataille entres les différentes puissances en conflit.

En 1921, Konica est élu président de la Fédération Vatra et soutient la consolidation de l’Etat albanais. Il assure la fonction de représentant diplomatique du Royaume d’Albanie à Washington de 1926 à 1939. Konica meurt le 15 décembre 1942 à la suite d’une hémorragie cérébrale.

Ecrivain, journaliste et essayiste brillant, Faik Konica est l’un des fondateurs de la langue et de la littérature modernes albanaises. Il est auteur des essais littéraires, linguistiques et des œuvres en prose. Son roman, Dr Gjëlpëra découvre les racines du drame de Mamuras (1924) dissèque impitoyablement la vie psychosociale de l’époque en Albanie. Avec son essai La chronique des lettres albanaises (1906), Konica jette les bases théoriques de la critique littéraire albanaise en donnant des modèles contemporains inspirés par la littérature et la  culture européenne. Européaniste convaincu, Konica fait partie de l’avant-garde des intellectuels albanais qui a oeuvré sans relâche pour le retour de l’Albanie à l’Europe et à ses racines, après une longue et tragique histoire d’isolement par les dominations étrangères.

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